LENTALENQUE : la continuelle (23 novembre 2004)
Vous ne savez pas où se trouve Lentalenque... Pourtant,
vous connaissez forcément cet endroit : c'est une continuelle qui contemple ce
que nous avons abandonné et délaissé. Là, règne la nudité des gestes
ordinaires, la volonté du présent de ceux qui alimentent de terre noire le four
à pain, la nécessité de l'immédiat : gaule de noisetier, vaisselle posée sur la
dalle de pierre, course de la jument, plumes de bergeronnettes. Lentalenque est
- peut-être - une ferme en Tarn-et-Garonne. Mais plus sûrement c'est une autre
ferme, la nôtre, le lieu central et nécessaire d'où tous nous venons et où tous
nous retournerons. Dans cet ici connu de chacun d'entre nous s'incarne une
figure du monde où le réel s'entaille d'éternité. Car il s'agit bien de
mémoire, d'une mémoire proche qui reste à partager : gardiens de l'haleine des
sangliers et des boues de leurs passages, les aïeux de l'auteur, comme nombre
des nôtres, dussions-nous remonter fort loin, veillaient sur la musique des
causses. Leurs sabots les renseignaient sur le festin de ces granges où se
cueille le chant des figuiers. Ces guerriers de la Terre et du vent prêtaient
leur échelle au cerisier. Ils sanctifiaient l'autre art de la mémoire, qui
murmure le grand poème de la fin du monde mythique.